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Retrouvez ici tous les épisodes de la série « Une chaussure, une danse ».
Façon bottines aux allures de santiags pour les hommes, tendance escarpins pour les femmes, les chaussures de flamenco se révèlent des outils de percussion et de rythme parmi les plus subtils et complexes qui soient. Entre ruissellement liquide, telle une rivière de perles, et crépitement métallique de mitraillette, elles galvanisent cet art du zapateado, dont le vocabulaire ne vient jamais à bout du nuancier musical.
Si la danse apparaît en Andalousie autour de 1850, l’évolution de la technique, à travers celle des souliers et inversement, a connu nombre d’étapes. Lors de ses pérégrinations en Espagne, entre 1862 et 1873, l’écrivain et voyageur Charles Davillier (1823-1883) raconte et documente les danses qu’il a la chance d’observer pendant que Gustave Doré (1832-1883) les croque magnifiquement. Ce Voyage en Espagne (1862) décrit ou montre notamment des Gitanes pieds nus ou portant des « chapines », pourvues de semelles épaisses en liège ou en bois, tandis que les Andalouses arborent de petits chaussons chics, proches des ballerines.
« Ce n’est qu’entre 1890 et 2010 que le vestiaire flamenco se met en place, explique Corinne Frayssinet Savy, ethnomusicologue. Avec le développement des cafés cantantes, se spécialisant dans le flamenco à partir des années 1870-1880, les interprètes s’emparent des estrades en bois. Les chaussures deviennent le prolongement du corps, atout percussif privilégié d’un style viril d’abord. Les femmes en usent, elles, seulement de façon ornementale. Peu à peu, les souliers se transforment et se précisent pour les uns et pour les autres, véritable signature musicale d’une danse genrée. »
Ce que Corinne Frayssinet Savy nomme le « corps sonore » du flamenco s’appuie pour les danseuses sur des escarpins fins, que l’on attache parfois avec des petits nœuds – à la sévillane – sur le dessus du pied ou qui tiennent par une bride. Les semelles en cuir sont protégées par du caoutchouc antidérapant. Les talons jonglent entre différentes formes. « Il y a les “cubains” biseautés et standards, portés par les femmes et les hommes, alors que les “bobines” ou “carrete”, ainsi que les “garrocha”, qui combinent les deux précédents, sont uniquement féminins, poursuit Corinne Frayssinet Savy. Leur hauteur varie entre 3 et 7 centimètres pour les uns, et autour de 4 pour les autres, selon la ligne que l’on veut donner au corps. » Quant aux fameux clous, ils sont vissés serrés à la pointe de la chaussure et sur le talon, généralement en bois dur et résistant. « Les plus couramment utilisés sont le hêtre, le chêne ou le noyer, capables de supporter un usage intensif et d’offrir un son clair et résonnant », détaille Daniela Lazary, productrice de spectacles, coach d’Andrés Marin et de David Coria, chargée de diffusion des œuvres de Rocio Molina.
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